Lenteur dans la mise en place de la régionalisation. Ils veulent un agenda avec des rendez-vous. Déficit en matière de ressources humaines qualifiées et compétentes.
L’Economiste : Quel est le premier bilan des réunions trimestrielles que vous avez démarrées avec le ministre de l’Intérieur?
Mohand Laenser : C’est difficile à faire. Nous avons commencé par plusieurs points considérés comme obstacles pour les grandes régions et qui font l’objet aujourd’hui d’une analyse conjointe. Nous continuons à étudier les problèmes de financement, du contrôle des Agences régionales d’exécution des projets, mais nous ne pouvons pas dire que nous avons achevé quelque chose. Le travail est toujours en cours. L’objectif est d’être en synergie avec l’Intérieur, mais aussi avec d’autres ministères.
– Plusieurs régions ont terminé leurs programmes de développement. Comment avez-vous procédé pour les réaliser?
– Le cadre d’élaboration des plans est fixé par un décret. Il fallait d’abord faire le diagnostic de l’existant de la région, voir les programmes en cours initiés par le gouvernement, recenser les besoins et les prioriser. Il s’agit de plans de développement sur une période de 6 ans. En principe, les régions ont fait ce travail. Mais elles ont recensé des besoins énormes. Maintenant, pour le canevas, personnellement, je suis d’avis qu’il y ait une présentation similaire. Car, ces programmes sont la base sur laquelle le contrat-programme Etat-Région, prévu par la loi, doit s’élaborer. Une négociation sera menée pour ramener les enveloppes à quelque chose qui soit compatible avec la capacité de l’Etat. Pour pouvoir le faire, il faudrait que les plans soient mis dans une forme qui peut être agrégée.
– Avez-vous une estimation du timing de la signature du premier contrat ?
– L’important est que les enveloppes soient arrêtées. Je vous donne un exemple: valeur aujourd’hui, le montant de tous les plans de développement régional déposés doit tourner autour de 400 milliards de DH sur 6 ans. Sur cette base, il faudra compter près de 70 milliards de DH sur une année. Or, les régions ne peuvent pas mettre grand-chose, car, en 2021, les budgets prévus des 12 régions s’élèvent à 10 milliards de DH. L’Etat ne peut pas non plus mettre 70 milliards. Les régions devront minorer les enveloppes. Cela veut dire qu’il faut évaluer ce que demandent les régions, avant d’aller voir l’Etat pour lui dire ce que nous sommes capables de mettre en fonds propres, en emprunts,… tout en lui demandant jusqu’où il peut aller. Evidemment, ce travail de va-et-vient permettra d’arriver à un accord global. La signature des contrats-programmes peut être immédiate et globale pour tout le monde ou les uns après les autres.
– La régionalisation piétine et les présidents des régions s’impatientent…
– Je les comprends, mais je reste pour autant optimiste. Ce ne sont pas les PDR qui vont seuls faire avancer la régionalisation. Il y a le problème de déconcentration, prévue par la loi, sur lequel le gouvernement est en retard. Quand les présidents demandent d’aller vite, de transférer les compétences, etc., ils sont conscients que l’essentiel réside dans la volonté affichée de construire un agenda et de se donner des rendez-vous. Ils ont besoin de visibilité pour savoir qu’il y aura ceci l’année prochaine et cela l’année suivante. C’est comme cela que font tous les pays qui s’étaient lancés dans la décentralisation et la déconcentration.
– La prochaine réunion au ministère de l’Intérieur sera consacrée au transfert des attributions alors que la charte de déconcentration n’est pas encore sortie…
– A la limite, je pourrais dire que c’est indépendant bien que la charte de déconcentration constitue la base sur laquelle les responsables s’engagent. Maintenant, la loi organique a fixé des compétences propres aux régions. Ces attributions relèvent des ministères. Il faut que ces départements puissent les transférer, soit immédiatement, soit progressivement, avec les ressources qui vont avec. La charte de la déconcentration a d’autres objectifs nobles et plus larges. Pour le contrat-programme avec l’Etat, on souhaite ne pas avoir à venir à Rabat pour discuter avec tous les ministères. Mais plutôt le faire sur place avec le représentant de l’Etat et les chefs des services extérieurs qui auront reçu les accréditations et les compétences qu’il faut. C’est ça qui manque aujourd’hui.
– Quels sont les besoins des régions en ressources humaines ?
– Le manque est énorme, pour deux raisons. D’abord, les attributions accordées aux régions sont très grandes. Elles ont besoin de personnel qualifié et compétent, qu’il faudra payer. Pour y arriver, il faudra régler le problème de définition des statuts. Ensuite, attirer aujourd’hui du personnel dans les régions n’est pas une mince affaire. Je vous donne l’exemple de ceux qui sont dans les grands centres, notamment à Casablanca ou à Rabat. Il n’y a pas une motivation très grande pour les attirer. Je ne vois pas pourquoi ils accepteraient d’aller à Draâ-Tafilalt ou à Meknès. Effectivement, la formation, le recrutement et le paiement des ressources humaines constituent un autre aspect important.
Propos recueillis par Mohamed CHAOUI
L’Economiste : Edition N°: 5229 Le 14/03/2018